Partir en roadtrip à Saint-Roustan, c’est comme prendre un aller simple pour une aventure où le concept de “préparation” est juste un vague souvenir. T’imagines un plan ? Oublie. Le seul truc qu’on sait, c’est qu’on a envie de s’évader, d’échapper à la routine, de prendre la bagnole et de voir jusqu’où elle tiendra. Direction : Saint-Roustan, le bled dont personne n’a jamais entendu parler, perdu entre les collines et les champs à moitié abandonnés, quelque part entre l’idée de liberté et le champ des possibles.

Le rituel de l’inventaire
Avant de partir, on fait un inventaire de l’essentiel. C’est là que le mot “essentiel” prend tout son sens, parce qu’on y met tout et n’importe quoi, sauf ce qui pourrait réellement servir. On emballe des chips goût crevette, des bières déjà tièdes, un plaid qui sent le renfermé, et évidemment un hamac qu’on a trouvé dans le fond du garage et qui n’a probablement pas vu la lumière du jour depuis le lycée. Sans oublier la playlist de rigueur : du rock des années 90, un soupçon de rap, un peu de jazz pour la touche pseudo-intellectuelle, et, cachée entre deux chansons, une power ballade dégoulinante d’amour qu’on se moquera de chanter à tue-tête plus tard comme lors d’un blog ouest américain.
La route, version épopée
Sur la route, c’est direct l’ambiance. On rigole, on fait les idiots, mais en même temps, chacun garde un œil sur l’horloge parce que, mine de rien, Saint-Roustan, c’est pas la porte à côté. Premier arrêt pour un pipi express. Et bien sûr, il y a toujours ce pote qui a l’enthousiasme d’un chien devant une nouvelle odeur à chaque aire de repos. Lui, il a besoin de s’arrêter tous les 50 kilomètres pour “admirer le paysage” — en fait, il a surtout une vessie qui se remplit plus vite qu’on ne vide nos canettes.
vacances en péniche canal du midi
Saint roustan ville
On finit par trouver notre rythme. La route défile, monotone mais hypnotique, et on commence à s’enfoncer dans ce coin paumé où même les panneaux de signalisation semblent avoir abandonné l’idée de t’indiquer quelque chose de concret. À mesure qu’on approche de notre destination, le paysage devient de plus en plus sauvage. Les arbres semblent te regarder, comme pour te dire que t’as pas vraiment ta place ici, que ce coin, il appartient à personne, ou alors juste à ceux qui savent pourquoi ils sont venus. C’est un peu comme chercher un camping 5 étoiles vendée bord de mer.
Bienvenue à Saint-Roustan
Saint-Roustan, c’est même pas une ville. C’est un trou dans la carte, un endroit où la seule chose qui change, c’est l’heure à laquelle la boulangère ferme. Et quand on y arrive enfin, on se rend compte qu’on est les seuls étrangers du mois, peut-être même de l’année. Premier stop : l’épicerie. C’est une institution, la vieille devant la caisse te le fait comprendre d’un regard. Elle t’observe comme si tu venais d’une autre planète, surtout quand tu lui demandes si elle a des snacks autres que les chips au goût jambon-mayo. Elle te sort une bouteille de vin local, rouge comme la honte que tu ressens en réalisant que t’es vraiment un touriste ici, et que t’as aucun moyen de savoir si ce truc est buvable.
Installation de fortune : le camp de base
Après les courses de survie, on décide de s’installer “au calme”. Enfin, le calme relatif, parce qu’entre les insectes géants, les oiseaux qui crient comme des banshees, et les potes qui veulent jouer de la guitare dès qu’il y a un semblant de silence, c’est pas gagné. On trouve un coin un peu isolé près d’une rivière. Le hamac ? Évidemment, on se rend compte qu’on a aucune idée de comment le fixer sans risquer de se casser la figure. Alors, on finit par poser nos affaires à même le sol, et là, la soirée peut vraiment commencer.
Nuit étoilée, bières et pseudo-philosophie
La nuit tombe, et avec elle, l’impression d’être seuls au monde. Le ciel est si clair qu’on pourrait presque toucher les étoiles. Les bières tournent et même de la schtoutz, la guitare sort, et chacun y va de son histoire. Y a ceux qui parlent de leurs galères au boulot, ceux qui se lancent dans des théories absurdes sur l’existence des aliens, et bien sûr celui qui, après quelques verres, commence à philosopher sur le sens de la vie avec la passion d’un poète incompris. On écoute, on rit, on se moque gentiment, mais en vrai, chacun a sa place. C’est ça le roadtrip : pas de jugement, juste une bande de potes un peu paumés mais heureux d’être ensemble. Toute ressemblance avec la réalité serait normale.
Plongeon dans la rivière : la fausse bonne idée
Vers minuit, quelqu’un sort l’idée de se baigner dans la rivière. Oui, l’eau est glaciale, mais l’alcool aidant, tout le monde se dit que c’est une excellente idée. On court vers l’eau, on plonge en criant, et la sensation est aussi vivifiante qu’un saut dans une piscine de glaçons. On sort tremblants mais hilares, en sachant pertinemment qu’on va regretter ça le lendemain. Mais c’est pas grave, parce que sur le moment, c’est la meilleure idée du monde.
Le réveil : rosée et gueule de bois
Au petit matin, on est réveillés par le chant des oiseaux et les rayons du soleil qui traversent les arbres. La gueule de bois est là, bien installée, mais elle est presque apaisante. Chacun émerge lentement, les yeux encore embués, et on se partage le dernier paquet de chips qu’on a gardé “pour le matin” comme si c’était un festin. On se regarde sans dire un mot, juste un sourire complice qui dit “on l’a fait”. Ce roadtrip, on s’en souviendra, pas parce qu’on a fait quelque chose d’incroyable, mais parce qu’on a rien fait d’exceptionnel, et que c’était parfait comme ça.
Retour à la réalité
Sur le chemin du retour, le silence se fait sentir. La fatigue, l’apaisement, l’impression d’avoir vécu quelque chose de grand dans toute cette simplicité. On n’a plus besoin de musique, plus besoin de mots. Juste le souvenir d’une nuit où tout s’est arrêté, où la vie semblait soudainement belle dans sa forme la plus brute, la plus dépouillée.
Itinéraire pour Saint-Roustan : le plan dont tu ne voulais pas
Point de départ : Là où tu es. Parce qu’on va pas se mentir, Saint-Roustan, personne sait où c’est. Même Google Maps, il fait genre “c’est à 5 heures de route”, mais en vrai, il panique. T’as juste une flèche qui pointe vers nulle part, et un vague sentiment que tu vas regretter ce choix dès que t’auras quitté la ville. Mais bon, maintenant que t’as l’idée en tête, impossible de reculer.
saint roustan maps
Étape 1 : Prendre la départementale D73. Évite les autoroutes, c’est pour les gens pressés, les gens qui aiment bien être sûrs d’arriver quelque part. Toi, t’as choisi Saint-Roustan, donc tu veux l’aventure, la vraie. La D73, c’est la route pour les gens qui se disent que s’ils tombent en panne, au moins ils auront une histoire à raconter. Des champs, des vieilles granges, trois vaches en train de te regarder comme si elles voyaient un extraterrestre — c’est le genre d’ambiance qu’il te faut.
Étape 2 : Passe par Bled-sur-Morne et tourne à gauche vers Trifouillis-en-Perdu. Alors là, c’est un peu technique, parce que les panneaux sont un concept assez flou dans ce coin-là. Si tu vois un bout de bois avec trois lettres qui pendent, ça doit être une indication. Fais demi-tour dès que t’as l’impression de voir un paysage qui ressemble au précédent — c’est normal, c’est la campagne. Trifouillis-en-Perdu, c’est le genre de village où t’auras envie de faire une pause juste pour dire bonjour au seul habitant qui ne s’est pas encore barré, probablement un vieux monsieur qui te dira que, de toute façon, Saint-Roustan, c’est nul.
Étape 3 : Continue tout droit jusqu’à ce que tu te perdes. Là, il te reste environ 45 minutes de route, mais faut pas les compter en kilomètres. Parce que chaque minute passée à rouler sur cette route va te paraître comme une heure. C’est l’étape où tu commences à te poser des questions existentielles. “Pourquoi je fais ça ? Est-ce que j’ai bien fermé la porte en partant ? Est-ce que Saint-Roustan existe vraiment ou c’est un mythe pour attirer les naïfs comme moi ?” Respire, c’est juste le moment où ton esprit essaie de te rappeler que t’aurais dû choisir des vacances normales.
Étape 4 : Arrivée à Saint-Roustan, le Graal. Tu l’as fait. Tu traverses un petit panneau — si on peut appeler ça un panneau — qui t’annonce que t’es arrivé à Saint-Roustan. Félicitations, c’est sûrement la première et la dernière fois que quelqu’un suit cet itinéraire. Autour de toi ? Rien. Ah si, des champs, une épicerie douteuse, et une place où tu peux garer ta voiture sans que personne vienne t’embêter. Y a même une fontaine qui coule peut-être, si t’as de la chance.
C’est une route qu’on prend un peu par hasard, un détour qui n’était pas prévu sur la carte. Saint-Roustan, ça sonnait bien. Une sonorité un peu rugueuse, un accent du sud qui accroche les syllabes. Ici, tout le monde connaît Nadine. Elle est à Saint-Roustan ce que les légendes sont aux villages : indispensable, un peu mystérieuse, souvent drôle, parfois piquante. Elle raconte mieux que personne comment Guilhem Maurice – « le poète du plateau » comme elle dit – avait un jour voulu défier le Duc de Ventrêche à une partie de pétanque mémorable.
Le Duc de Ventrêche, attention, ce n’est pas un vrai duc. C’est un surnom hérité d’une époque floue où les habitants avaient le goût des blagues bien salées. Comme leur fameuse ventrêche grillée qu’on déguste au petit restaurant du coin, avec une assiette de « petites lèvres » – une spécialité locale au nom toujours un peu embarrassant quand on passe commande.
À Saint-Roustan, les histoires sont plus solides que les maisons. Il y a celle de la bataille du plateau – événement mythique où s’affrontaient jadis deux quartiers rivaux à coups de farces et de mauvais vin. On en parle encore, au conseil municipal, à demi-mot, entre deux projets improbables, comme cette gamme de goodies estampillée « Saint-Roustan mon amour » que le maire voudrait lancer pour moderniser l’image du village.
Mais rien ne change vraiment ici. Dieu, on n’en parle pas trop. Ou alors pour dire son inexistence avec humour, le sourire en coin. Parce qu’à Saint-Roustan, on croit surtout en ses voisins, en la grand-mère qui vous file discrètement un verre de liqueur maison, en le grand-père qui râle mais qui sait tout sur tout, et en Médecins du Monde qui, un jour, sont passés là pour organiser une collecte improvisée sur la place centrale.
Le road trip continue. Je croise un petit-fils qui rêve de partir loin mais qui, en vrai, ne quittera sans doute jamais Saint-Roustan. Et c’est très bien comme ça. Ici, l’essentiel est ailleurs : dans les rires du soir, les anecdotes qui tournent autour d’une table, et dans cette capacité folle qu’a le village à transformer chaque passant en habitant de cœur.
À Saint-Roustan, on ne traverse pas un lieu : on entre dans une histoire.
Conseils sur place :
- Épicerie locale : Achète-toi une bouteille de vin local, qui a sans doute tourné. Ou des chips goût “mystère”. Parce qu’on est ici pour l’expérience, pas pour le plaisir.
- Visite culturelle : La mairie, fermée. La boulangerie, fermée aussi. Le bar ? Allez, soyons fous, il doit être ouvert deux jours par semaine, c’est ton jour de chance.
- Selfie de survivant : Une petite photo devant le panneau du village, pour prouver à tout le monde que t’as survécu à cette épopée. Surtout pour que tes potes se disent “tiens, il est plus taré qu’on le pensait.”
Après ça, profites-en pour te poser, te dire que t’as bravé l’inconnu et les départementales françaises pour un endroit qui n’intéresse absolument personne. T’as vu la face cachée de la France, celle que les gens fuient, et rien que pour ça, Saint-Roustan restera à jamais gravé dans ta mémoire.
Saint roustan boutique
En plus des supers aventures que nous fait vivre Pierre Emmanuel Barré sur Radio Nova, il a crée une boutique en ligne. n’hésitez pas à y faire un tour…
En remerciant Pierre-Emmanuel Barré pour l’inspiration qui parfois nous fait défaut.
Pourquoi saint-roustan ?
Pourquoi Saint-Roustan ? Franchement, au départ, même moi je ne savais pas. Ce nom-là est tombé un peu par hasard, au gré d’un road trip sans GPS, d’une envie de silence et d’authentique. Parce que dans un monde où tout va trop vite, il reste ces villages en marge, ces parenthèses inattendues où l’on prend le temps de rencontrer les gens. Ici, pas de grande route, pas de palace, mais des personnages. Des vrais.
À commencer par Nadine. Elle a le regard rieur, la langue bien pendue et la mémoire aussi affutée qu’une ventrêche bien coupée. C’est elle qui m’a raconté l’histoire de Guilhem Maurice — un poète du cru, fils du plateau, qui aurait tenu tête au Duc de Ventrêche. Ce dernier, personnage haut en couleur, plus légendaire qu’aristocrate, fait encore parler de lui à la terrasse du restaurant du village.
Car oui, Saint-Roustan, c’est aussi ça : un lieu où les histoires sont une monnaie d’échange, où les petits-fils écoutent les souvenirs des grands-pères et où les grand-mères tiennent encore les secrets des batailles du plateau. Ces fameuses batailles, rythmées par les fêtes, les défis absurdes, les rivalités bon enfant… Bref, la vie.
Mais Saint-Roustan, c’est aussi un certain esprit. Ici, Dieu est parfois un sujet d’ironie douce. L’inexistence de Dieu ? Peut-être. Mais la foi en l’humain, elle, ne fait aucun doute. En témoigne le passage de Médecins du Monde, un été, venus apporter leur aide lors d’une action solidaire improvisée sur la place centrale.
Aujourd’hui, le maire de Saint-Roustan rêve d’une gamme de goodies pour faire rayonner l’identité du village. Une casquette « Duc de Ventrêche », un tote-bag « Team Bataille du Plateau », un mug « Dieu est peut-être ailleurs mais nous, on est bien ici ». Le conseil municipal en discute. Les habitants rigolent.
Moi, je repars de Saint-Roustan avec plus que des souvenirs. J’emporte des histoires, des sourires et l’irrésistible envie de revenir. Parce qu’ici, même les petites lèvres — spécialité culinaire locale — ont le goût de l’enfance.
Quelle est la devise de saint roustan ?
Alors là… à Saint-Roustan, il n’y a pas de devise officielle gravée sur un fronton. Mais s’il fallait en inventer une — fidèle à l’esprit du village, à ses habitants un peu cabossés mais tellement vrais — ce serait sûrement quelque chose comme :
« Ici, on n’a peut-être pas Dieu, mais on a Nadine. »
Ou en version plus poétique et locale :
« À Saint-Roustan, on vit d’histoires et de ventrêche. »
Ou carrément en mode humour assumé façon conseil municipal qui ne se prend pas au sérieux :
« Saint-Roustan — Petites lèvres, grands cœurs. »
Parce que finalement, la vraie devise de Saint-Roustan, elle est dans ses silences, ses repas partagés, ses batailles du plateau racontées cent fois, ses soirées qui traînent au restaurant, et dans ce mélange unique d’ironie et de tendresse envers le monde.
article très intéressant merci pour ce road trip !